Le 20/03/2023

Penvillers, la cathédrale sportive de la ville démolie à Quimper

Entamé le lundi 21 novembre, et accéléré en ce lundi 6 mars, Penvillers opère une mue définitive. 54 ans d'histoire balayés en quelques mois, pour n'en rester que les souvenirs, une sorte de madeleine de Proust, pour nous, footeux quimpérois, qui étions aimantés, par cette cathédrale sportive. Rien qu'à voir les projecteurs allumés, en arrivant au centre-ville nous mettait en joie, car ça signifiait jour de match. On se régalait quand " Baloo", postier de son état, descendait de ses tribunes pour secouer son cocotier de grillage, donnant accès au terrain, ou Jeannot Georgelin, alias " Dugaz", vociférant ses " Allez les Petits", à la Roger Couderc. Même désuet, même hors des clous, ce lieu gardait un charme fou, une histoire et était un emblème sportif de la ville. Par cette démolition pure et simple, c'est aussi connaître la vision du football quimpérois, premier sport de la ville, qui se trouve bousculé du jour au lendemain. Mais aussi revenir avec quelques personnalités du football quimpérois qui ont accompagné ce lieu de sa création à sa destruction. Retour sur un lieu mythique du sport quimpérois.

Légende: Avec des travaux démarré en novembre, et prolongé depuis le début de cette semaine, avec la démolition emblématique de la tribune principale, Penvillers n'est plus dans ses configurations historiques, datant de .... 1968.

Wlodzimierz Lubanski ( 3ème avec la Pologne de la coupe du monde en 1974), Michel Kaham ( invaincu dans la poule avec le Cameroun, match nul contre les champions du monde italiens, 1-1 à la coupe du monde 1982), Didier Monczuk, enfilant but sur but à sa seule saison quimpéroise, sous l'ère Georges Peyroche, en 1987, la saison de référence du Stade Q en 1988/1989 ( 4ème en D2), avec l'entraîneur, Pierre Garcia, Michel Ettore, Philippe Mahut (sélectionné avec l'équipe de France pour la coupe du monde en Espagne en 1982), Carmello Micciche Quimpérois pendant la saison 1983 avec deux sélections en équipe de France et un but inscrit face à l'Islande en 1987, l'international luxembourgeois Robby Langers, (73 matchs, 8 buts), José Souto, auteur du but du Stade Lavallois contre le Dynamo Kiev (1-0, 1983), Fabrice Picot, vainqueur de la coupe de France 1979 avec le FC Nantes, ou Eugène Ekeké, auteur du 2ème but du Cameroun face à l'Angleterre en quart de finale de la coupe du monde 1990, forcément, ces noms ne disent rien aujourd'hui, aux moins de 40 ans, mais ils résonnent encore dans des mémoires encore vives. Celui de Riyad Mahrez parlent beaucoup plus aux générations actuelles, aujourd'hui, star planétaire du ballon rond à Manchester City, qui établit ses premières armes en senior, sur ce terrain de Penvillers, sous les ordres de Ronan Salaün, en 2009/2010, au Quimper Cornouaille FC, au côté des Tony Le Page, les deux Flo Lenclume et Le Gouil, Jon Le Bihan, Ju Bonizec .... ( bref, des gars bien de chez nous).

Comme la mémoire du football à Quimper, Joseph Dorval, délégué aux arbitres, dans les années 1980, quand le Stade Quimpérois jouait dans la cour des grands. Forcément, le coeur lourd, il nous livre ses années Penvillers.

" C'est le football de haut-niveau, purement et simplement, qui disparait à la suite de cette décision politique de démolir le complexe de Penvillers. Déjà, ce stade de Penvillers, à sa création en 1968 a été une erreur monumentale de localisation. Il fallait le faire, à l'emplacement du Carrefour actuel ( ex-groupe Promodès, avec les Continent, à l'époque). Près de la ville, avec un accès pour les fêtes de Cornouaille, au passage. Si j'avais été élu, j'aurai relocalisé la piste athlétisme, à Creach Gwen, près de la mer, pour faire des performances. Avec la destruction de la tribune, et avec le vent qui souffle à Penvillers, il n'y aura pas beaucoup de performances dans ce contexte pour l'athlétisme. Ca me fait mal au coeur, cette destruction, oui, ça me fait vraiment quelque chose.  J'ai beau avoir 89 ans, c'est toutes les générations passées de haut-niveau. 22.000 spectateurs pour Saint-Pol de Léon, pour voir le grand Saint-Etienne (1979), le match de coupe de France contre Metz ( quart de finale 1987/1988, victoire 1-0 à Quimper, but de Monczuk), ou la réception de l'Olympique de Marseille ( 0-0, à Penvillers). Le club est passé professionnel en 1984, avec Jacky Castellan, à la tête. La période Leclerc? On a voulu aller trop tôt aller chercher la D1, il fallait donner du temps au temps, mais nous avons été dans l'urgence", résume Jo Dorval.

Autre personnage du football quimpérois, Jean-Pierre Hémon, 75 ans, joueur, secrétaire, président, après la fusion, il est arrivé en D3 à la fin de l'époque, Edmond Lemaître (1959-1971), en 1970. Les matchs contre le Paris Saint-Germain, en D3, à sa création, les 4.000 à 5.000 spectateurs d'affluence moyenne dans les années 70, il s'en rappelle encore. " Ce stade de Penvillers, c'était le toit de Quimper, l'emblème. C'était une cathédrale sportive. Quand j'étais joueur,  nous étions que des joueurs de la Cornouaille, à défendre les couleurs du club, en D3/D2, avec les Dorval, Derisse, Hemery, Bechennec, Morvan, Youn Daniel, ou Huitric ( Bernard, le père d'Alban, entraîneur au Pleuven FC).  Il y'avait Eugène Follimais, au speaker, au micro. C'était toute une ambiance, ce lieu"

Autre connaisseur avisé du football quimpérois, Jean-Michel Landrein, dont les joueurs au début des années 80, allaient faire leur collation, dans le restaurant de ses parents, rue Jean Jaurès. " Ce qui me chagrine, c'est qu'à mon âge, 56 ans, je ne verrai plus un match de football de haut-niveau, à Quimper, dans les dix années à venir. On démolit notre maison. On avait le sentiment d'être chez nous, dans ce lieu. A l'époque, nous avions les clés pour fermer le portail sur les matchs. C'était une autre ambiance. Il n'y avait jamais un débordement. Le dernier gros match, Quimper - Lille, 7.500 spectateurs, en 32ème finale de la coupe de France, en 2002/2003, après qu'on a failli se faire sortir à Bannalec au 1er tour ( 1-2, ap). Ou le Quimper - Brest, en 2007/2008, au 7ème tour ( 1-2), avec 3.296 entrées payantes. On ne pourra plus organiser de matchs de gala, accueillir le FC Lorient ou le Stade Brestois 29. Ca veut dire moins de recette buvette, sandwicherie...  Même accueillir un match de l'équipe de France, comme le France - Ecosse, ou Pologne, en équipe de france féminine".

Pour le Quimper Kerfeunteun FC, principal utilisateur des lieux avec le Quimper Athlétisme, le compte n'y est pas non plus. Philippe Lengrand, le vice-président du club, parle d'un manque d'anticipation sur l'avenir.

" Par ce choix, il n'y a pas eu d'anticipation de l'avenir. Après cette démolition de Penvillers, il n'y aura plus la possibilité sur le site de Penvillers d'accueillir, 1.000 personnes pour un match de football. Les perspectives pour nous, au Quimper Kerfeunteun FC, sont repoussées au fond d'une deuxième mandature, et pas avant 2026, en tout cas.  Le terrain synthétique, le deuxième sur cette partie de Quimper, est aussi en stand-by. L'éclairage sur le terrain en herbe du haut se fera, à la rentrée, en septembre. La mairie nous a donné son accord. Après, nous sommes en très bonnes relations, avec la mairie, nos nouveaux locaux sont très bien, l'endroit est beau et nous donne satisfaction, ainsi qu'avec le Quimper Athlétisme, avec qui on s'entend très bien. Notre terrain synthétique a reçu une dérogation de deux ans pour la pratique en R1, mais en cas d'une hypothétique montée en National 3, nous ne pourrions pas jouer à Stang Vihan. En plus, nous ne pouvons pas faire de recettes supplémentaires ou matchs évènements, le samedi soir, sur des grosses affiches de R1, car il n'y a pas l'éclairage suffisant sur le terrain d'honneur".

Bloquant le club de marges de manoeuvre, dans son développement, mettant à l'étroit également les 600 licencié(e)s du club, cette démolition de Penvillers pose un engorgement à venir pour le premier sport de la ville, avec 1.700 licencié(e)s. Par exemple, sur des gros matchs, style le derby face aux Paotred Dispount, ou une affiche potentielle en coupe de France sur un 6ème/7ème tour, la rencontre ne pourra pas se jouer, sur le complexe de Penvillers, sur une jauge supérieure à 1.000 spectateurs, ce qui fait une affluence tout de même maigrichonne pour la 3ème ville de Bretagne. 

Coordinateur sportif du Quimper Kerfeunteun FC, Yvan Le Cleac'h met en avant par cette démolition de la tribune centrale, la perte de lieux d'accueil et de vie. " Le terrain principal, nous n'y allions plus, mais nous nous servions de Penvillers, pour l'utilisation des vestiaires et de notre club-house. D'un coup, on perd 8 vestiaires ( avec au moins une utilisation de quatre, le samedi) et un lieu d'accueil. On se sent maintenant à l'étroit, mais nous sommes à l'étroit depuis bien longtemps. Cette refondation de Penvillers est une bonne chose pour le Quimper Athlétisme. Nous, c'est plus dans la gestion que ça se tend. Un samedi, ça peut être 7 matchs à accueillir sur notre synthétique de 9h30 à 16h, soit 14 équipes pour les vestiaires. En quelques années, nous avons perdu l'accès à Kermoguer, au terrain stabilisé pris pour l'espace Dan Ar Braz. Notre terrain stabilisé en bas est obsolète et l'éclairage ne fonctionne pas toujours. La ville est à notre écoute, et nous agissons en bonne intelligence. Pourtant dans le club, il y'a une vraie émulation et ambition, les seniors C sont en tête du championnat, la B peut faire coup double, en R3, les U14 sont en R1, les U16/U17 en R2. Les filles et gars senior évoluent en R1. Penvillers, ça rattachait le football à un passé de haut niveau, maintenant, nous avons envie aussi d'écrire des belles pages, d'avoir des nouveaux moments qui restent dans la mémoire des gens. Retrouver un éclairage en haut sur notre terrain en herbe, prochainement va être une bonne chose pour la gestion des entraînements, sur Penvillers"

Derrière ce choix, c'est tous les souvenirs du football de haut-niveau qui disparaît à Quimper. Tous ces moments de bonheur partagé, par des générations de Quimpérois et de son bassin, qui se réunissaient par plusieurs dizaines de miliers à Penvillers, et précédemment à Kerhuel, pour cette messe populaire du week-end, avec le Stade Quimpérois.

Finalement, ce choix de destruction de la tribune à Penvillers, apparaît presque comme un sentiment d'inachévé, un "ni fait, ni à faire", dans un football quimpérois, devant se résigner face au fait accompli. Il y'a vraiment cette perception, ce ressenti d'une profonde amertume, en se privant tout simplement de la possibilité de revoir un match de football à haut-niveau, sur ce complexe de Penvillers. C'est aussi toute une partie de notre enfance, qui disparaît. Kenavo Penvillers! Même s'il y faisait un froid de canard, la barquette de frites à 8 francs (1,20 euros), la frite-saucisses à 12 Francs, servi par l'équipe de Gilbert Phelep, l'accès tribune principale à 48 francs ( 7,20 euros) ou à 25 francs (4 euros) pour un accès pourtour, à la fin des années 80, pour les matchs de ... D2, toutes ces petites choses qui reviennent maintenant à la surface, qui rendait aussi ce lieu populaire, attachant et finalement chaleureux à l'intérieur

Christophe Marchand

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